Jeudi 29 mars : visite de Hué

Il fait très chaud au petit matin de cette nouvelle journée où la rue comme dans le nord, est animée dès le lever du jour. On parle fort, on crie même pour se faire entendre.

Par les petites artères, nous quittons la ville afin de rejoindre le marché de Dong Ba, une curiosité par la nature de ses commerçants. La bouchère pèle le porc avec une lame à rasoir, la poissonnière compte une montagne de billets, une marchande de légumes urine le plus innocemment du monde à même la rue après s’être déplacée de quelques mètres. Il a suffi pour cela d’écarter la fente de son pantalon. Quelques porcelets attendent sans méfiance, les mégots traînent au coin des lèvres. tandis qu’à quelques mètres, un pont couvert mérite le coup d’oeil. Freddy rentre en discussion avec une autochtone pommadée à souhait.

Le cadre est fort agréable. Sur le chemin du retour, exercice de tir sur cible de l’armée vietnamienne : un certain archaïsme primitif se dégage de cette scène étrange dans ce cadre champêtre à la vue de tout le monde...mais personne ne s’intéresse!

Retour à Hué avec visite du palais royal et de la Cité Interdite devant laquelle un nombre important d’enfants en tenue (chemise bleu-ciel, pantalon sombre) peaufine des exercices collectifs sous la conduite d’un « chef » de leur âge.

La Citadelle entourée de murailles à la Vauban entourée de fossés est délimitée par une enceinte carrée de 600 mètres de côté où s’ouvrent dix portes par lesquelles on pénètre dans la Cité Pourpre Interdite, résidence de l’Empereur.. Tournant le dos à la porte du Midi, la tour du Drapeau fait face. Elle est surmontée d’un mat de 37 mètres sur lequel flotta durant 25 jours, lors de l’offensive Viet Cong de 1968, le Drapeau du Front National de Libération.. Au pied de la tour, 9 grands canons sont alignés.

La porte du Midi est le passage obligé pour la visite de la cité impériale. La Porte centrale surmontée du belvédère des cinq Phénix, était réservée à l’Empereur qui de là, informait les dignitaires des décisions prises ou des lois promulguées. Le 30 août 1945, Bao Dai, dernier empereur y remit symboliquement, à Ho Chi Minh, une épée, signe de son pouvoir. Plus loin, sur l’esplanade du Palais de la Sûprème Harmonie, les mandarins se regroupaient en 9 rangées selon la hiérarchie du mandarinat. Le Palais lui même est recouvert d’un toit fait de tuiles émaillées jaunes(couleur de l’Empereur), vertes (couleur des mandarins) et de Dragons (symbole de la royauté).

La salle du Trône dans le palais (restauré par Rhône Poulenc) de 80 colonnes en bois de teck sculpté, servait de cadre aux cérémonies officielles. Dans une arrière salle : la maquette détaillée permet de comprendre l’importance de la Cité Interdite au plan semblable à celle de Pékin.

De leur côté, les pavillons de l’Est et de l’Ouest ont été restaurés par l’UNESCO tandis qu’ici, autrefois, la Cité Pourpre abritait les bâtiments privés de la famille impériale où personne ne pénétrait sauf les Eunuques. Tout fut détruit en 1968 lors de l’offensive de la Têt. (Plus loin, la bibliothèque et le théâtre royal.)
A l’ouest, le Temple des Générations avec des tablettes rendant hommage aux dix membres de la dynastie Nguyen avec en face dans la cour, neuf urnes dynastiques symbolisent le règne des 9 rois Nguyen.

Nouveau déplacement à bicyclette vers la Pagode Thien Mu (Pagode de la Dame Céleste) qui veille sur la Rivière des Parfums. (l’accès est aussi possible en Sampan).

C’est un monastère Bouddhique avec sanctuaires. Le nom de « Dame Céleste » est lié à la légende, l’ancêtre de la famille Nguyen : Nguyen Hoang avait été impressionné par cette colline en forme de tête de Dragon. Une vieille dame lui apparut un jour, affirmant que l’on construirait ici, une pagode puis elle s’évapora dans le ciel. La pagode a été construite en 1601 sur l’emplacement même d’un ancien temple Cham, c’est l’un des plus anciens monuments de Hué. Son aspect actuel date de 1840. Chacun des 7 étages pour 21 mètres de haut est dédié à un Bouddha du passé qui apparut à forme humaine. Dans le périmètre, nous sommes assaillis par un énorme groupe d’enfants dont une jeune de 12 ans environ, polyglotte, qui traduit en quatre langues dont le Français : elle a vécu à Paris)

Pour finir la journée à vélo, une quarantaine de kilomètres en prenant la route de Da Nang, le long de la rivière des Parfums pour revenir par l’autre rive à Hué : Quelques images intéressantes surtout de villages sur l’eau.

Un peu d’histoire de la ville :

Dès le 2ème siècle av.J-C, la future Hué s’appelait Tay Quyen, poste administratif et militaire sous le contrôle de la dynastie des Han qui règne alors sur « l’Empire du Milieu ». Au 3ème siècle, les Cham s’en emparent et établissent un centre religieux.Les occupants chinois reviennent ensuite en force et vers 450 mettent la ville à sac. 6 siècles plus tard, les Cham en font leur capitale. Au XIVème siècle, la cité baptisée Phu Xuan (la terre des riches printemps) est rattachée au royaume d’Annam.. Au XVIème siècle, la famille Nguyen installe son gouvernement autour de la ville actuelle. EN 1775, les seigneurs Trinh (famille tonkinoise rivale), s’en emparent. Puis trois rebelles (les frères Tay Son) en deviennent maîtres pour 30 ans. Ils organisent ensuite un mouvement insurrectionnel dans tout le pays. Les Nguyen demandent alors, l’assistance de la France et reprennent la cité en 1801 après 30 ans de luttes. En 1802, sous l’empereur Gia Long qui fait une grandiose démonstration architecturale afin de montrer sa légitimité, elle prend le nom de Hué (déformation du mot hoa qui veut dire : paix) , capitale impériale du Vietnam unifié.

Sous le protectorat français, elle reste capitale jusqu’à la destitution du dernier empereur : Bao Dai en 1945, ce qui marque la fin des Nguyen. En 1954, elle est rattachée à la république du Sud-Vietnam, souffrira énormément des combats de 1968 avant de tomber aux mains, des forces Nord-Vietnamiennes le 25 mars 1975. Désertée par une partie de sa population, elle s’endort jusqu’à la fin des années 1980.

En 1993, Hué est inscrite au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’UNESCO.

Pillée par les hommes durant les combats de 1949 et 1968, endommagée par l’incendie monstre de 1947, dégradée par les typhons et inondations, elles doit être reconstruite. Sur les 300 monuments qui faisaient sa splendeur, 180 de la citadelle ont été détruits, 80 restaient en piteux état. Depuis 1981, la restauration est entreprise avec l’aide de nombreux pays dont la France (EDF) et le Japon.

Christian ASPE